Lorsque j’ai débuté la méditation, j’ai reçu des consignes simples qui m’ont beaucoup aidée : « médite 10 minutes le matin et le soir. Utilise un réveil au besoin. Fais en sorte que le corps soit à l’aise. Tu peux t’asseoir, jambes croisées ou jambes allongées. Sur un coussin ou sur une chaise. Tu peux t’adosser au mur… Mais prends ce moment, chaque matin et chaque soir, et ta vie va changer. »
J’ai suivi ce conseil donné avec conviction par une personne en qui j’avais toute confiance. Comme je souffrais du dos, j’ai fait le choix de méditer dans mon lit : j’ouvrais les fenêtres pour sentir l’air frais du matin ou du soir, je poussais mes oreillers, je m’allongeais toute droite, les bras le long du corps, paumes de main vers le ciel, comme dans la relaxation du yoga. Je fermais les yeux et je me laissais glisser à l’intérieur, d’abord dans une attention portée au souffle et puis dans une simple présence. Je ne dormais pas. Je sentais une énergie délicieuse se réveiller à l’intérieur de moi et je goûtais un sentiment de paix.
10 minutes sont devenues 20 minutes et certains jours où je n’avais pas de rendez-vous, elles sont devenues 1 heure voire plus encore.
Ce moment privilégié apportait une dimension différente dans ma vie. C’était comme si je partais en voyage, je m’offrais une petite aventure avec moi-même avant de commencer ma journée. Je me sentais plus calme, moins réactive, moins pénétrée aussi par le monde extérieur. Les jours où je ne prenais pas ce moment-là, je sentais un manque. Je ratais rarement ce rendez-vous.
Et puis j’ai commencé à cheminer avec mon Maître de yoga qui m’a demandé de m’asseoir pour méditer. Alors j’ai construit mes muscles. Au début, je méditais assise sur un coussin et je m’allongeais lorsque mon dos devenait douloureux. Avec la pratique, mon dos s’est renforcé et je n’ai plus eu besoin de m’allonger. Je pouvais rester assise calmement pendant 20 minutes, 30 minutes, 60 minutes, parfois 2 heures…
La méditation devenait mon refuge.
Et c’est là où sans le savoir je rencontrais un point délicat : la méditation peut être une façon différente de faire face à nos défis du quotidien, cela peut être un outil puissant pour apprendre à se connaître et comprendre ses conditionnements, mais elle peut être aussi une fuite, un refuge hors du monde, hors du temps, hors des réalités présentes… La nuance n’est pas si évidente à saisir et je n’avais absolument pas conscience d’être en état de fuite. C’était comme une addiction douce qui me soulageait de beaucoup de choses mais qui m’empêchait aussi d’être ancrée.
Je crois qu’il est important d’évoquer cette impasse car la méditation est une pratique merveilleuse quand on s’y adonne avec conscience et discernement. Et quand on est bien entouré.
J’étais bien entourée et bien guidée. Mon Maître de yoga, Unmaniji, me donnait le temps simplement d’explorer cette impasse et saisissait chaque occasion de me raccrocher au présent, de me rappeler l’importance de vivre sur terre une vie équilibrée et ordonnée dans laquelle le monde matériel a sa place autant que le monde spirituel. J’ai pris du temps à l’accepter et j’ai eu besoin de fréquents rappels.
Elle avait une expression charmante pour décrire l’expérience des méditants dans mon genre : « this is strawberry on shit ! », autrement dit « des fraises sur de la merde ! » Tu flottes dans les nuages et tu ne te confrontes pas au chantier de ta vie… Combien de méditants sincères vivent cette impasse ? Des légions, j’en ai peur… Mais cela ne doit pas vous faire tourner les talons et renoncer à la méditation avant même d’avoir commencé.
J’ai accepté de considérer avec discipline chaque aspect de mon existence : mes finances, mes relations de tous ordres (familial, amical, amoureuses), ma carrière professionnelle, mon environnement, ma santé. Et j’ai appris à mettre ma méditation au service de ma vie. Au lieu qu’elle soit un état de fuite, elle est devenue un poste d’observation et un temps de silence aussi dans lequel souvent les réponses font surface. Ma méditation dure aujourd’hui 30 minutes. Et c’est tout. Je ne cherche pas à la prolonger mais je continue de m’y tenir. Parfois je lui pose une question, je viens avec un problème à résoudre. D’autres fois, je lui demande simplement de me permettre une meilleure qualité d’attention. J’émets toujours une intention soit pour mon expérience de la méditation elle-même soit pour ma journée. Ainsi cette démarche devient plus concrète et plus ancrée dans mon quotidien. Et au lieu de fuir, je fais face, je suis là et je me réjouis de cette expérience terrestre qui n’a pas fini de m’étonner !
Je livre ce témoignage pour vous inviter à aborder la méditation avec vigilance et discernement. Surveillez-vous et soyez toujours exigeants avec les réalités concrètes de votre vie. Vérifiez que la personne qui vous guide a elle-même une vie ordonnée et bien ancrée. Et si vous méditez avec une application ou des cours en vidéo, assurez-vous de grandir dans votre présence au monde, de demeurer dans l'action, plutôt que de fuir et d'oublier tout. Alors votre vie fleurira parce que la méditation orientée vers l'action est une force invincible.